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Accompagner des jeunes en difficulté grâce aux chevaux lors d'un service civique

 

Mathilde et Anaïs sont en mission de service civique au sein de l’association Équit’harmonie, qui propose des actions de médiation équine à des personnes fragilisées en Eure-et-Loir, et qui est partenaire des Écuries Saint Victor depuis cinq ans. Elles nous racontent leurs missions et ce qu’elles retirent de ce quotidien auprès des chevaux.

 

Équit’harmonie : quelles sont les missions que vous réalisez pendant ce service civique ?

 

Anaïs : tout d'abord nous participons à l’animation des séances de médiation équine avec Audrey, Camille et Marlène. Elles nous transmettent leurs connaissances au quotidien pour pouvoir accompagner au mieux les publics avec lesquels nous travaillons : enfants malentendants et sourds, jeunes atteints de troubles de l’autisme, jeunes confiés à l’aide sociale à l’enfance, enfants accueillis pendant les vacances scolaires.

 

Mathilde : nous prenons aussi en charge une partie du soin des chevaux qui participent aux actions de médiation, afin de les soigner, les entraîner et les rendre complètement disponibles pour les séances. C’est important qu’ils soient en forme et détendus pour faire leur travail de médiateur avec les jeunes que nous recevons ! Nous avons aussi reçu des formations en équitation éthologique et classique, participé à des séances d’équicoaching, pour mieux comprendre le fonctionnement du cheval et améliorer nos connaissances et notre attitude, afin de faciliter l’accompagnement des publics.

 

Anaïs : nous développons aussi des grilles d’analyse et d’évaluation des séances, afin de pouvoir fournir des bilans détaillés aux partenaires, nous rédigeons des articles et des comptes-rendus sur les séances et nous préparons des jeux pour les enfants.

 

Mathilde : et en période de confinement, nous dynamisons les réseaux sociaux grâce à des quizz, des articles ou des récits du quotidien aux écuries !

 

 

Quels sont les principaux apprentissages que vous retenez de ces expériences ?

 

Anaïs : ce que j’apprends principalement, c’est l’importance de trouver la position neutre avec les chevaux. Ne pas agir en fonction de notre émotionnel, de façon à ce que ça n’impacte pas la demande que l’on formule au cheval. On peut ressentir des émotions, mais l’objectif est d’arriver à s’exprimer de façon juste. Comme j’ai l’objectif de devenir psychologue et de proposer de la médiation équine, je dois être en capacité de recevoir et ressentir de la compassion, tout en ayant la distance nécessaire pour ne pas être trop atteinte. Par ailleurs, ce que je ressens ne doit pas influencer l’autre, pour qu’il n’y ait pas de transfert qui pourrait porter préjudice à la thérapie. Je l’ai appris en montant à cheval et en éthologie (arriver à monter en phase, à augmenter l’intensité de sa demande, sans entrer dans l’émotion, et en agissant de façon juste).

 

« Dans le cadre de l’équithérapie, l'animal doit être médiateur pour le patient, et nous devons être neutres pour que le cheval puisse être vraiment un miroir du patient. L’animal doit profiter à celui-ci et pas au thérapeute, qui lui doit accompagner, observer et retranscrire. » (Anaïs)

 

 

Mathilde : il y a deux principaux apprentissages en ce qui me concerne. Tout d’abord l’adaptabilité, car ici on touche à tout, on doit s’adapter à différents contextes, avec les gens, les activités, les situations rencontrées. Cela me demande d’être souple et agile, de pouvoir faire évoluer mes réactions rapidement et de m’adapter à chaque situation. C’est très utile et cela me servira dans toute ma vie ! 

 

Et deuxièmement, la cohérence, que j’ai beaucoup observé notamment en éthologie. Être claire et cohérente entre ce que je veux et ce que je fais. C’est indispensable, surtout avec les chevaux ! Je le ressens aussi avec les publics en difficulté, par exemple les enfants.

 

« Si je suis moi-même calme et claire, l’enfant qui connaît une situation de stress, par exemple, pourra plus facilement gérer son émotion. » (Mathilde)

 

 

Anaïs : on peut aussi ajouter la gestion des rythmes et de la fatigue ! Faire attention à nos propres réactions quand on est en situation de stress ou de fatigue, c’est important lorsqu’on travaille avec du public, notamment en difficulté. Il faut apprendre à vivre dans cet environnement exigeant quand on évolue avec des chevaux. Et ça aide à garder une forme physique ! 😉

 

 Anaïs et Baccarat, lors d’une séance de médiation équine

 

Quels challenges, quels défis avez-vous rencontrés ?

 

Anaïs : pour ma part, c’est de travailler sur le manque de confiance en moi. Reprendre confiance dans ce que j’avais appris auparavant autour du cheval, apprendre à m’affirmer face aux chevaux. L’approche éthologique, que l’on utilise aussi en médiation, m’a beaucoup aidée. On peut demander des choses sans être excessif, on peut s’affirmer sans être agressif. Chercher à agir justement est plus facile pour dire « c’est vraiment ça que je veux ». Quand on veut travailler avec des publics, il faut que l’on puisse s’exprimer clairement, notamment pour faire respecter les règles de sécurité car cela peut être dangereux avec les chevaux. Il faut donc avoir de l’assurance et être sûr de ce que l’on dit.

 

« Maintenant, je me sens plus en capacité de poser un cadre,
j’ai appris la nuance pour que celui-ci ne soit pas enfermant mais qu’il permette aux gens de s’épanouir. » (Anaïs)

 

 

Mathilde : je travaille personnellement le lâcher-prise, notamment dans le travail avec les chevaux (ne pas en faire trop, être dans une demande la plus simple et efficace possible) mais aussi pendant les activités de médiation. Par exemple lors d’une situation compliquée, c’est arriver à rebondir, à proposer une nouvelle action pour résoudre le problème. C’est ne pas en demander trop et vouloir faire des jeunes des cavaliers expérimentés ; l’objectif c’est simplement qu’ils prennent du bon temps.

 

J’apprends à lâcher prise sur le résultat : leur apprentissage leur appartient, même si nous sommes là pour donner un cadre et des outils. Je ressens aussi un lâcher-prise avec les membres de l’équipe : accepter que le travail soit fait d’une autre façon que ce que j’aurais imaginé, prendre du recul sur les crispations du quotidien. Ne pas être dans la surveillance et le contrôle ! C’est essentiel pour un bon travail d’équipe dans la durée. Tout n’est pas toujours rose, mais j’apprends et j’accepte.

 

Anaïs : Comme le répète souvent Audrey, on est à cheval comme on est dans la vie. À cheval ou dans les activités connexes, on évolue dans tous les domaines de notre vie. Ici c’est un lieu de vie très humain, très agréable, qui nous amène à comprendre des choses et à grandir. Dans le quotidien en équipe on le voit : on peut juste changer la façon dont nous on voit les choses, mais on ne peut pas changer l’autre. Donc on s’adapte !

 

Mathilde : tout ce qu’on fait ici nous amène à travailler sur des points précis, qui sont importants pour nous à un instant donné. C’est un ensemble, un contexte, qui nous fait travailler par différents prismes sur des éléments spécifiques.

 

« Ce service civique a été une école de la vie !

On apprend grâce à plein de situations, on prend confiance.

On tire de chaque expérience un enseignement ! » (Mathilde)

 

 

Qu’est-ce qui vous a le plus marquées dans la relation avec les publics accueillis ?

 

Anaïs : j’ai été très marquée par le travail avec les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance, dans le cadre d’une expérimentation avec le Conseil départemental d’Eure-et-Loir et le Centre départemental de l’enfance et de la famille de Champhol. Je les ai vu seulement deux fois et déjà, entre chaque séance, j’ai pu observer beaucoup d'évolutions, c’était incroyable. Les deux rencontres étaient espacées, mais ils attendaient avec impatience de retrouver leur poney. Les évolutions se situent tant au niveau de leur capacité à prendre soin de l’animal que pour monter à cheval, et même entre eux, la cohésion était plus forte. C’est bluffant !

 

Mathilde : ce qui est le plus frappant c’est avec les enfants de l’Institut André Beulé de Nogent-le-Rotrou, qui ont un handicap sensoriel (malentendants ou sourds). On les accompagne toutes les semaines (ils viennent aux écuries pour des séances d’équitation adaptée depuis plusieurs années) et je m’y suis attachée. Ils sont très demandeurs de nos retours et de nos conseils. Je les ai vu évoluer pendant huit mois, et c’est gratifiant de me dire que j’y suis pour quelque chose, que j’ai contribué à améliorer leur bien-être et leur connaissance du cheval !

 

Mathilde et Asia, lors d’une séance de médiation équine

 

Et selon vous, que peut apporter cette passionnante relation entre l’humain et le cheval ?

 

Anaïs : la base de la relation avec le cheval c’est le respect dans les deux sens, puis le développement de la confiance. C’est aussi la même chose dans la vie, donc on peut apprendre ça aux côtés des chevaux ! C’est génial tout ce que les chevaux nous apportent. Déjà dans le fait d’être rigoureux dans le soin qu’on leur apporte. Même si on n’est pas en forme on en est responsable, c’est important de se le rappeler. Les chevaux nous soutiennent, ils nous posent des questions aussi !

 

Mathilde : oui ils sont très pertinents ! Un cheval, Vagabond, par exemple, m’invite à être claire, à savoir ce que je veux. Quand je suis dans mes pensées, ailleurs, il s’enfuit.

 

« Être 100% avec eux quand on leur demande quelque chose, être présent.

Les chevaux nous demandent d’être dans l’instant. » (Mathilde)

 

Ce service civique nous plonge dans la magie de la relation humain-cheval, que ce soit avec les publics que l’on accompagne (où l’on observe la pertinence et le soutien qu’apportent les chevaux), mais aussi lors de notre quotidien où les chevaux nous poussent à faire toujours mieux. Les bienfaits du contact avec les chevaux sont flagrants et nombreux. Ils sont de formidables partenaires de vie. 

 

Anaïs : il faut aussi avoir de la légèreté, une dose d’humour, de joie, car ils peuvent vite s’ennuyer. Donc ça demande de bien connaître les codes pour échanger avec eux et pouvoir se lâcher, jouer avec.

 

L’un des meilleurs moments qui vous revient à l’esprit, ce serait...

 

Mathilde : quand une jeune malentendante a réussi, pour la première fois, à lâcher sa selle au trot et à diriger le cheval. Elle a vraiment pris confiance en elle ! Elle était capable de le faire depuis longtemps, mais elle en a pris conscience, et c’était très beau. J’ai ressenti beaucoup de joie !

 

Anaïs : quand j’ai compris comment on s’y prenait pour instaurer un nouveau code de communication pour faciliter la compréhension avec le cheval. Il y a alors une vraie communication qui s’instaure entre le cheval et l’humain, et c’est magique ! Avant c’était de l’incompréhension, de l’inconfort, je n’arrivais pas à me faire comprendre, et après j’ai pu entrer en relation différemment avec lui. 

 

J’ajouterais aussi que le cadre est idyllique, le paysage aux écuries est incroyable ! Je remercie surtout Audrey et Camille de nous accompagner avec tant de bienveillance durant ce service civique et pour tous les conseils qu’elles nous prodiguent. Un grand merci aussi à toute la cavalerie, ils me font chacun avancer différemment et je leur en suis très reconnaissante !

 

Mathilde : en plus d’être idyllique, le cadre est avant tout très bienveillant. Un grand merci à Camille et Audrey de m’avoir accompagnée sur le chemin de la connaissance de moi. Ce service civique m’a menée sur le chemin de mon projet professionnel... Un grand merci également aux chevaux des écuries qui sont très pertinents et qui nous permettent de travailler au quotidien sur nous.

 

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